Episode Synopsis "Chroniques de Noördheven - 31 janvier"
Chroniques de Noördheven - 31 janvier Passer le grand portique en fer forgé du Parc Silence, c’est comme traverser un sas. La grande ceinture d’arbres qui entoure le grand parc central de Noördheven étouffe les sons de la ville alentour aussi sûrement que l’on fermerait une fenêtre à double vitrage. Par tous les temps, et notamment par ce jour frais et venteux de cette fin janvier, l’atmosphère de l’endroit est paisible. Dans le parc, au début de la grande allée, j’entends le cri d’un corbeau, un oiseau toujours présent dans la ville d’ailleurs. Des perruches sauvages aussi et un merle qui a dû oublier de s’en aller à la fin de l’automne et qui chante juste avant la pluie. Un peu comme dans un lieu sacré, ou un musée à la rigueur, les promeneurs de cette fin d’après-midi parlent d’instinct à voix basse pour ne pas troubler le calme de l’endroit. Même les enfants jouent discrètement d’habitude mais je n’en vois pas aujourd’hui. L’espace de jeu est complètement vide et seul résonne le grincement des balançoires ballottées par le vent. Je me dis que ce balancement est peut-être dû au jeu d’enfants invisibles, discrets comme des fantômes. A ce sujet, j’ai parfois l’impression d’en croiser par ici. Tout à l’heure, j’ai cru voir, de dos, mon père qui se baladait dans le parc, près du grand kiosque, dont la forme imposante se dresse au centre du parc. Un peu plus loin, j’ai cru voir filer dans un buisson un chat forestier qui ressemblait comme deux gouttes d’eau au premier chat que j’ai eu, il y a bien longtemps. Mon père comme le chat nous ont quittés depuis longtemps. Je sais bien que ce n’est pas vraiment mon père ni mon chat, mais cette vision m’a troublé un moment. De plus, au second regard, il n’y avait personne près du kiosque ni aucun mouvement dans les buissons. Sur un banc, alors que je regarde l’étang aux canards, qui brillent par leur absence en cette saison, je me dis que cet endroit pourrait s’appeler le parc Souvenirs. Je ne suis ni triste ni gai. Je suis comme en suspension dans un endroit hors du temps. Je ne vais pas retourner dans les bruits de la ville. Plus tard sans doute. Mais pas maintenant.